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Nous étudierons dans les
deux premiers chapitres, le système et la politique budgétaire du Viêt-nam pour
tenter de montrer que ses difficultés financières permanentes sont une source
majeure du déficit budgétaire et de l'inflation au Viêt-nam selon l'approche
monétariste.
En fait, il existe une abondance
d'études théoriques et empiriques internationales sur l'effet des activités
budgétaires sur l'inflation, surtout lors de l'inflation élevée. Un bon nombre
d'économistes ont le point de vue commun que l'inflation élevée est le résultat
du déficit budgétaire, si le gouvernement dépense plus qu'il collectionne
l'impôt, le déficit est financé par l'émission monétaire, trop de monnaie
chasse peu de marchandises avec le résultat prédicable d'inflation[1].
La cause principale de l'inflation réside bien dans le déficit budgétaire, le
gouvernement se trouve dans l'obligation d'augmenter ses dépenses alors qu'il
n'est pas en mesure d'augmenter officiellement les impôts, il doit donc
financer son déficit par l'émission monétaire qui crée l'inflation[2].
L'inflation rapide est presque toujours un phénomène budgétaire[3].
L'inflation élevée se développe sous des déficits budgétaires élevée[4]...
Il existe, au Viêt-nam, un déficit
budgétaire permanent de l'Etat pendant toute la longue période depuis la
réunification du pays en 1976. Plus important, et comme on le verra dans le
chapitre suivant, la valeur de ce déficit par rapport au produit intérieur brut
(PIB) est toujours au niveau très élevé au cours de la période 1976-1991 où
sévit l'inflation élevée.
La question qui nous intéresse ici
est de savoir comment ce déficit budgétaire important se crée au Viêt-nam au
cours des années de l'inflation élevée et pourquoi il se réduite rapidement
depuis les grandes réformes économiques commencées en 1989. Pour répondre cette
question, d'abord, dans un premier chapitre, nous allons analyser les causes de
la faiblesse et de l'amélioration des recettes budgétaires du gouvernement
vietnamien. En suite, dans un deuxième chapitre, nous examinerons les causes de
l'évolution de ses dépenses.
section i - L'évolution des
recettes budgétaires du Vietnam et la
comparaison avec celle d'autres pays en
développement
Avant de chercher les causes des
changements des recettes publiques du Viêt-nam, nous présenterons dans une
première section, l'évolution du niveau, de la structure de ces recettes et
quelques comparaisons avec d'autres pays en développement.
I. L'évolution du niveau des recettes
BUDGETAIRES
Apprécier si le niveau du
prélèvement public du Viêt-nam, c'est à dire l'ensemble des prélèvements
fiscaux et non-fiscaux de l'Etat, est favorable au développement des échanges,
n'est pas aisé[5].
Diverses raisons peuvent être citées telles que le système de la statistique du
Viêt-nam n'est pas précise et homogène[6].
Le Viêt-nam ne publie pas systématiquement les données statistiques concernant
le système de comptabilité nationale et les données détaillées sur le
financement public; notamment, les informations officielles sont souvent
incomplètes et modifiées[7].
Il n'existe presque pas de données statistiques et documents économiques en
anglais publiés au Viêt-nam[8].
Les statistiques en valeur, économiques et financières, sont incomplètes,
paraissent peu fiables et sont disponibles avec retard; les informations sont
dispersées entre les diverses institutions gouvernementales et les
communications d'information de ministère à ministère semble difficiles[9].
Les données publiées par le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale
sont donc souvent différentes à celles offertes par des organismes vietnamiens[10].
Le prélèvement public a considérablement changé de nature ou les prélèvements
fiscaux au niveau local ne sont pas comptabilisés de manière exhaustive,
surtout les taxes concernant les produits agricoles[11].
En bref, les lacunes statistiques les plus évidentes concernent les finances de
l'Etat (et de manière plus générale du secteur public) et la balance des
paiements[12].
Dans le contexte de l'inflation élevée du Viêt-nam, l'utilisation des
indicateurs de valeur nominale perd toute leur significacité, donc dans cette
thèse, nous retenons comme l'indicateur des recettes budgétaires le ratio du
prélèvement public par rapport au produit intérieur brut (PIB). Cet indicateur
mesure l'importance relative du prélèvement public par rapport à la richesse
produite d'un pays[13].
Il nous permet également de comparer l'évolution du niveau des recettes
budgétaires du Viêt-nam avec d'autres pays en voie du développement (PVD).
Le tableau 1.1 et le graphique 1.1
ci-dessous nous permettent de mettre en évidence une analyse globale du
prélèvement public du Viêt-nam depuis sa réunification du pays en 1976. A
partir de ce graphique, au côté de reconnaître une forte instabilité du ratio
des recettes budgétaires du gouvernement vietnamien, on peut avoir quelques
autres remarques suivantes:
Tableau 1.1: Le taux de prélèvement
public par rapport au PIB (%)
Année
|
Taux
|
Année
|
Taux
|
Année
|
Taux
|
Année
|
Taux
|
1976
|
25,5
|
1981
|
21,6
|
1986
|
16,1
|
1991
|
13,5
|
1977
|
26,8
|
1982
|
23,0
|
1987
|
15,5
|
1992
|
19,0
|
1978
|
25,8
|
1983
|
24,8
|
1988
|
12,2
|
1993
|
22,3
|
1979
|
22,8
|
1984
|
25,7
|
1989
|
13,9
|
1994
|
24,7
|
1980
|
20,0
|
1985
|
19,1
|
1990
|
15,5
|
1995
|
23,4
|
Source: - Vietnamese
Financial Economic Data 1955-1986, General Statistical Office, Viêt-nam
- Statistical Yearbook, 1995, et -
Ministère des Finances du Viêt-nam
Graphique 1.1 : Evolution du taux
des recettes budgétaires du Viêt-nam (%)
- Les pressions fiscales étaient
importantes au Viêt-nam au cours des années de la planification centralisée car
le poids des prélèvements publics (implicites par les transferts du revenu des
entreprises publiques et du secteur parapublic ou explicites par la taxation
imposée au secteur privé) dans le PIB était assez grand. Il a été en moyenne de
26% dans la période 1976-78 et de 22,9% dans la période 1979-84. Durant la
période 1976-84, le taux de prélèvement public a baissé au niveau
historiquement bas de 20% en 1980, mais il se redresse pour atteindre 25,7% en
1984, c'est à dire équivalent au niveau au début de la période (l'année 1976)[14].
On trouve également que la chute du taux de prélèvement dans cette période
n'est pas très grande et ses variations s'attachent aux variations du taux de
croissance (1976-80).
- Cependant, lors de la mise en
oeuvre de grandes réformes économiques datées 1985, le taux de prélèvement
public par rapport au PIB a baissé brutalement. Il passe ainsi de 25,7% du PIB
en 1984 à 19,1% en 1985, 16,1% en 1986 et 12,2% en 1988. Cette période est
considérée comme une période spéciale dans l'histoire économique du Viêt-nam
avec beaucoup de crises monétaires et budgétaires consécutives. On trouve aussi
une chute correspondante du taux de croissance économique durant cette période.
- Ce taux de prélèvement public
demeure au niveau très bas dans les années 1989-91, il ne se redresse que
depuis 1992 grâce essentiellement d'abord aux recettes à partir de
l'exportation du pétrole brut, ensuite à la mise en oeuvre un nouveau système
fiscal, et enfin aux performances de l'économie. Cependant, le taux de
prélèvement public s'accroît rapidement, et il revient au niveau 24% en 1994,
1995, c'est à dire un peu près du niveau de la période de planification
centralisée. On voit aussi une augmentation assez régulière du taux de
croissance économique en cette période.
Pourtant, selon Haughton (1995), les
taux du revenu budgétaire sur le PIB du Viêt-nam peut être sous-évalués par
rapport à la contribution réelle des habitants, car il existe deux raisons
majeures: d'une part, plusieurs agents organismes fiscaux posent eux-mêmes des
taxes non-officielles, réclament la corruption, mais ne font pas les entrer
dans le budget, et d'autre part, les ménages doivent contribuer l'impôt sous la
forme de natures, telles que la main d'oeuvre pour la construction de route et
d'infrastructure, les biens et l'argent pour les construction des écoles ou
pour d'autres objectifs[15].
Cependant, selon même auteur, dans d'autres pays en développement, il existe
également cette situation, donc les données vietnamiennes sont valables dans la
comparaison internationale.
Pour étudier l'évolution des
recettes budgétaires en termes réels (déflatées par l'indice des prix à la
consommation), nous utilisons le tableau suivant qui montre les taux de
croissance des recettes publiques en termes réels:
Tableau 1.2: Les variations
annuelles des prélèvement public en termes réels (%)
Année
|
Taux
|
Année
|
Taux
|
Année
|
Taux
|
Année
|
Taux
|
1976
|
....
|
1981
|
43,2
|
1986
|
-49,6
|
1991
|
-5,2
|
1977
|
1,2
|
1982
|
20,4
|
1987
|
41,3
|
1992
|
72,7
|
1978
|
-3,5
|
1983
|
-1,3
|
1988
|
-6,7
|
1993
|
37,9
|
1979
|
-22,2
|
1984
|
-1,3
|
1989
|
64,6
|
1994
|
20,7
|
1980
|
-14,0
|
1985
|
3,3
|
1990
|
-0,2
|
1995
|
9,8
|
Les données ont bien montré que les
recettes budgétaires en termes réels ont sans cesse baissé au cours des années
1978-1980; elles se redressent pendant les deux ans 1981-1982 grâce à la fois
au retour de la croissance économique, au changement de la politique de prix
(prix du secteur public augmente trois fois après deux ans pour rattraper le
prix du marché libre) et à l'amélioration de la politique fiscale dans le
secteur économique public[16].
Cependant, elles tombaient tout de suite dans une nouvelle récession qui se
prolonge jusqu'en 1991, sauf 1987 et 1989 à cause de la crise du secteur
public. Spécialement, la chute légère du revenu budgétaire en termes réels
s'attache au retour de l'inflation élevée que nous allons analyser à la fin de
la quatrième section[17].
Dans la période 1992-95, le taux de croissance des recettes budgétaires est
très élevé, mais il chute aussi rapidement. Il existe également une estimation
que durant la période de 1989 à 1994, le revenu fiscal en termes réels augmente
presque de 14,5-15% par an[18].
2. L'évolution de la structure des recettes
budgétaires
Le tableau de la structure des
recettes budgétaires du gouvernement vietnamien 1.3 nous donne quelques
remarques principales comme suit sur leur évolution:
Tableau 1.3: La composition des
recettes budgétaires (milliards de dông, prix courant)
Volume des recettes par
secteurs Structure par
secteurs (%)
Année
|
Recettes
budgétaires
totales
|
Secteur
écono.
de l'Etat
|
Secteur
privé non
agricole
|
Secteur
agricole
|
Com-merce
extérieur
|
Secteur
écono.
de l'Etat
|
Secteur
privé non
agricole
|
Secteur
agricole
|
Com-merce
extérieur
|
1976
|
0,51
|
0,4
|
0,04
|
0,02
|
0
|
78,4
|
7,8
|
3,9
|
0
|
1977
|
0,59
|
0,48
|
0,05
|
0,02
|
0
|
81,4
|
8,5
|
3,4
|
0
|
1978
|
0,67
|
0,54
|
0,04
|
0,03
|
0
|
80,6
|
6,0
|
4,5
|
0
|
1979
|
0,65
|
0,52
|
0,05
|
0,03
|
0
|
80,0
|
7,7
|
4,6
|
0
|
1980
|
0,68
|
0,50
|
0,08
|
0,04
|
0
|
73,5
|
11,8
|
5,9
|
0
|
1981
|
1,72
|
1,37
|
0,20
|
0,06
|
0,02
|
79,7
|
11,6
|
3,5
|
1,2
|
1982
|
4,04
|
3,0
|
0,45
|
0,25
|
0,03
|
74,3
|
11,1
|
6,2
|
0,7
|
1983
|
5,9
|
4,18
|
0,92
|
0,32
|
0,11
|
70,8
|
15,6
|
5,4
|
1,9
|
1984
|
9,6
|
6,81
|
1,24
|
0,43
|
0,24
|
70,9
|
12,9
|
4,5
|
2,5
|
1985
|
19
|
14,7
|
1,94
|
0,68
|
0,44
|
77,4
|
10,2
|
3,6
|
2,3
|
1986
|
83,7
|
60,4
|
7,5
|
4
|
5,9
|
72,2
|
9,0
|
4,8
|
7,0
|
1987
|
382
|
285
|
39,7
|
15,7
|
28,3
|
74,6
|
10,4
|
4,1
|
7,4
|
1988
|
1759
|
1185
|
215
|
109
|
132
|
67,4
|
12,2
|
6,2
|
7,5
|
1989
|
3899
|
2392
|
428
|
308
|
363
|
61,3
|
11,0
|
7,9
|
9,3
|
1990
|
6513
|
4014
|
667
|
298
|
733
|
61,6
|
10,2
|
4,6
|
11,2
|
1991
|
10353
|
6189
|
1008
|
707
|
1099
|
59,8
|
9,7
|
6,8
|
10,6
|
1992
|
21023
|
11913
|
1992
|
1294
|
2194
|
56,7
|
9,5
|
6,2
|
10,4
|
1993
|
30500
|
16089
|
3376
|
1351
|
5900
|
52,8
|
11,1
|
4,4
|
19,3
|
1994
|
42125
|
20557
|
4512
|
1107
|
10012
|
48,8
|
10,7
|
2,6
|
23,8
|
1995
|
52150
|
23073
|
6450
|
1350
|
14750
|
44,2
|
12,4
|
2,6
|
28,3
|
Source: - Bureau général de la Statistique et
Ministère des Finances du Viêt-nam
- "Viêt-nam - Sttatistical
Tables", IMF Staff Country, Report N° 95/93, September 1995.
- En premier lieu, le Viêt-nam peut
être un exemple typique des pays en développement où le gouvernement se repose
presque complètement sur quelques centaines entreprises publiques pour
collectionner l'impôt[19].
Selon les données du tableau, au cours de la période 1976-1987 sous le système
fiscale de planification centralisée, environ trois quarts des recettes
budgétaires sont prélevés à partir du secteur économique public, et celles-ci
ne sont pas aussi l'impôt, mais le transfert de revenu des entreprises
publiques au budget d'Etat, et elles se déterminent sur la capacité de la
contribution financière de chaque entreprise[20].
Ce taux baisse au deux tiers durant la période 1988-1990. La propriété des
entreprises publiques monopolistes selon les principes de la mode de
planification centralisée permet au gouvernement socialiste d'augmenter le
prélèvement public correspondant à ses dépenses[21].
Cependant, dans le processus de la transition à l'économie de marché, ce
système de l'économie commandée a été effondré au Viêt-nam et l'une de ses
conséquences néfastes est la crise du prélèvement public de la période 1985-91[22].
La proportion du secteur des entreprises publiques au budget de l'Etat continue
de baisser rapidement durant la période 1992-1995.
- En deuxième lieu, comme la
remarque de Chambas (1993)[23],
en raison de la reforme économique mise en oeuvre et des difficultés des
entreprises publiques, la contribution relative du secteur public aux recettes
budgétaires de l'Etat décline de 74,6% en 1987 à 59,8% en 1991 et 44,2% en 1995
(y compris les taxes sur le pétrole), mais malgré un développement soutenu et
une part croissante dans la production, l'apport relatif du secteur privé aux
recettes budgétaires stagne à un niveau très bas. Pour le secteur privé
non-agricole, cet apport varie de 11,8% en 1980 à 12,9% en 1984, 10,4% en 1987,
9,7% en 1991 et 12,4% en 1995. Pour le secteur agricole, il chute rapidement de
7,9% en 1989 à 2,6% en 1994, 1995.
- Enfin, le redressement rapide du
taux de prélèvement public dépend uniquement de la taxation du secteur du
commerce extérieur y compris la taxation sur l'exportation du pétrole. Sa
contribution dans les recettes budgétaires a progressé de 7-7,5% dans la
période 1986-88 à 10,6% en 1991 et 28,3% en 1995, c'est à dire qu'il y a un
accroissement formidable grâce à l'expansion rapide du commerce extérieur. De
plus, sa valeur relative s'accroît de façon presque continuelle depuis la mise
en oeuvre de la politique de la taxation sur le commerce extérieur en 1981[24].
Cependant, la dépendance du prélèvement public au secteur du commerce extérieur
risque de baisser la compétivité du secteur des biens échangeables et de créer
l'instabilité dans les ressources fiscales futures[25].
Ainsi, on peut tirer une conclusion
que malgré l'effort considérable engagé depuis la fin des années quatre-vingt
pour mettre sur pied un système fiscal adapté à une économie de marché, la
fiscalité de la logique de marché ne parvient pas car la part des prélèvements
publics à partir du secteur économique privé non-agricole est toujours stable
au niveau très bas[26]
(10-12% du total du prélèvement pendant la période 1987-95). Au contraire, la
contribution du secteur des entreprises publiques chute fortement et elle est
compensée par l'augmentation des recettes fiscales à partir du secteur du
commerce extérieur. Pour la conséquence inflationniste, Chambas (1993)[27]
estime que si le gouvernement vietnamien ne parvient pas dans l'avenir à
effectuer un prélèvement fiscal suffisant sur le secteur privé en expansion
relativement rapide, il connaîtra une dégradation de l'équilibre de ses
finances publiques: le prélèvement sur les entreprises publiques diminue tandis
que les ressources provenant de la taxation du pétrole (et d'autres produits
exportateurs et importateurs) sont sensibles à la conjoncture internationale,
et par là, très instables. En revanche, si le prélèvement public sur le secteur
privé devenait plus substantiel, l'Etat disposerait de ressources plus stables
pour assurer l'équilibre des finances publiques. De manière concomitante, le
produit de la fiscalité sur le pétrole devrait alors être géré de manière à
éviter des tensions inflationnistes internes défavorables à la compétivité
économique ("syndrome hollandais").
3.
La comparaison de la mobilisation des recettes
budgétaires du Vietnam avec
celle d'autres
pays en
développement
Pour apprécier les performances de
la mobilisation des recettes fiscales du gouvernement vietnamien, nous
comparons dans ce paragraphe, le taux de prélèvement public du Viêt-nam avec
ceux de l'ensemble des pays en développement.
Il existe peu abondance des
comparaison internationales envers le taux des recettes budgétaires du Viêt-nam
avec d'autres pays en développement. De plus, toutes ces études sont réalisées
avec les données vietnamiennes depuis 1986, surtout 1989. En fait, seulement à
partir de ces dates, l'économie vietnamienne commence à passer vraiment et
rapidement à l'économie de marché et ses données statistiques sont calculées
selon les principes du système de comptabilité nationale de l'économie de
marché. Enfin, la plupart des études internationales se sont réalisées en
période 1990-1993 lorsque le Viêt-nam commence à coopérer avec les
organisations financières internationales.
Il se peut que tous rapports
internationaux concernant le taux de prélèvement par rapport au PIB du Viêt-nam
soient d'accord que ce taux au Viêt-nam est extrêmement faible durant la
période de transition vers l'économie de marché, notamment en 1988, où le taux
n'est que de 12,2%[28].
Chambas (1993) trouve que si on retient une estimation à partir des comptes
nationaux vietnamiens, le taux de prélèvement public s'établit à 15% (14,3%
selon notre chiffre) pour 1989-91, c'est à dire à un niveau moyen par rapport à
des pays en développement voisins ou de niveau de développement comparable.
Mais si on accorde quelques crédits à une estimation du PIB par tête de 200 $US
au lieu de 120 $US[29],
le taux de prélèvement s'établit à environ 9% du PIB, c'est à dire à un niveau
particulièrement faible. On peut encore noter le niveau faible du prélèvement
public par rapport au PIB si on ne tient pas compte de la taxation du pétrole[30].
Cependant, fidèle à des ressources
d'information officielle du gouvernement vietnamien, qui s'approche de plus en
plus aux données citées dans des documents internationaux, on utilise les
données financières du Département Général de la Statistique du Viêt-nam dans
la comparaison avec les pays en développement. Les taux de prélèvement public
sur le PIB de ces derniers sont reportés dans le tableau 1.4.
Tableau 1.4: Comparaison du taux de
prélèvement public du Viêt-nam
avec
d'autres pays en développement (% du PIB)
Groupe des pays
|
1975-1976
|
1980-1981
|
1986-1987
|
1988-1989
|
Ensemble des PVD
|
21,5
|
21,4
|
20,6
|
20,4
|
- Pays à revenu intermédiaire
|
na
|
25,0
|
23,7
|
23,3
|
- Pays à faible revenu
|
na
|
16,5
|
16
|
16
|
- Asie
|
14,9
|
19,7
|
18,7
|
18,5
|
- Afrique au Sud du Sahara
|
17,2
|
19,7
|
19,3
|
19,1
|
- Amérique Latine
|
17,7
|
21,1
|
21,8
|
21,3
|
- Moyen - Orient
|
40,8
|
38,1
|
29,5
|
29,7
|
- Pays pétroliers
|
na
|
26,9
|
20,7
|
17,7
|
Viet nam
|
25,5
|
20,8
|
15,8
|
13,0
|
Sources: FMI,
Government Finance Statistics (GFS), International Financial Statistics (IFS),
Banque Mondiale, PNUD African Economic and Financial Data, 1992,
Chambas G. "Fiscalité et Développement en
Afrique Subsaharienne, Economica, 1994.
Quelques données sont reprises de Naderan E. (1996) "Les facteurs
de la mobilisation fiscale en Iran", Thèse au CERDI, 1996. Ces données
dans ce tableau et d'autres tableaux concernant le budget de l'Etat
représentent l'activité budgétaire du gouvernement central (sauf le Viêt-nam et
quelques pays), cependant, comme l'évaluation de Haughton[31],
les recettes et dépenses budgétaires du gouvernement central de la plupart des
pays en développement occupent presque tous les revenus et dépenses
budgétaires, donc, on peut comparer les données vietnamiennes avec celles
d'autres pays en développement. La Banque Mondiale (1991,93) évalue également
que le PIB et le PNB du Viêt-nam à l'époque sont essentiellement égaux.
Les comparaisons effectuées pour les
années clés depuis 1976 jusqu'à 1995 nous permettent de relever les remarques
suivantes:
- Au cours des années 1976-84, le
Viêt-nam a généralement réalisé un taux de prélèvement public supérieur à celui
de l'ensemble des pays en développement. En suite, dans la période de crises
d'inflation 1985-91, ce taux baisse spectaculairement et devient très inférieur
à celui des pays en développement. Enfin, depuis 1992, il se redresse pour
revenir au niveau d'auparavant, c'est à dire supérieur à celui des pays en
développement.
- Au cours de la période de crises
économiques 1985-91, le taux de prélèvement public du Viêt-nam reste au niveau
des pays en développement à revenu faible. Au contraire, pendant les années de
l'économie de planification centralisée (1976-1984) et celles de l'économie de
marché (sous l'orientation socialiste, depuis 1992), le taux de prélèvement
public du Viêt-nam est équivalent à celui du groupe des pays à revenu
intermédiaire, malgré le faible revenu par tête du Viêt-nam[32].
- Lors de la comparaison avec la région
asiatique, on trouve une situation similaire, le taux de prélèvement public du
Viêt-nam est toujours supérieur au niveau régional, sauf dans les années de
crises économiques 1985-91 où il ne se trouve qu'au niveau des pays à faible
revenu de la région. Spécialement, ce taux du Viêt-nam atteint au niveau 24%
par an pour les années 1994, 1995 contre 16-19% de l'ensemble des pays en
développement asiatiques. Pour avoir une comparaison plus détaillée, nous
utilisons le tableau 1.5:
Tableau 1.5: Comparaison des taux de
recettes budgétaires
du gouvernement central de l'Asie
(%/PIB)
Pays Asiatiques
|
1976
|
1980
|
1985
|
1987
|
1990
|
1993
|
Ensemble
|
15,06
|
16,1
|
17,23
|
17,39
|
na
|
na
|
- Bangladesh
|
8,6
|
11,43
|
9,46
|
na
|
na
|
na
|
- Inde
|
12,79
|
11,86
|
13,77
|
14,43
|
13,51
|
13,56
|
- Indonésie
|
18,15
|
21,40
|
20,67
|
19,19
|
19,44
|
16,48
|
- Corée
|
17,15
|
18,02
|
16,97
|
16,64
|
17,87
|
19,0
|
- Malaisie
|
21,82
|
26,35
|
30,15
|
25,43
|
27,14
|
28,01
|
- Myanmar
|
11,95
|
16,00
|
13,61
|
10,48
|
10,56
|
7,78
|
- Népal
|
6,25
|
7,83
|
8,28
|
9,05
|
8,48
|
8,18
|
- Pakistan
|
13,61
|
16,27
|
16,17
|
17,29
|
19,14
|
18,09
|
- Philippines
|
13,23
|
12,90
|
11,99
|
14,87
|
16,56
|
17,56
|
- Singapour
|
23,32
|
25,31
|
37,92
|
30,59
|
31,04
|
35,14
|
- Srilanca
|
17,68
|
20,21
|
22,32
|
21,42
|
21,12
|
19,71
|
- Thaïlande
|
12,55
|
14,96
|
15,09
|
15,66
|
19,2
|
18,45
|
Viêt-nam
|
25,5
|
20,0
|
19,1
|
15,5
|
15,5
|
22,3
|
Sources: - FMI,
International Financial Statistics, Yearbook 1989, p.158, pour 1976, 1980,
- FMI, Government Finance Statistics,
Yearbook, 1995, pour 1985, 1987, 1990 et 1993.
- Comparer le Viêt-nam avec certains
pays asiatiques en développement, on trouve que durant les période de
développement avant 1985 et après 1991, le taux de prélèvement public du
Viêt-nam est supérieur à ceux du Bangladesh, de l'Inde, du Pakistan, de la
Birmanie, de l'Indonésie, de la Corée du Sud, des Philippines et de la
Thaïlande. Par contre, ce taux du Viêt-nam est inférieur à ceux du Singapour et
de la Malaisie, il est équivalent à celui de Srilanka.
- Même dans la période de crise
1985-91, le taux des recettes budgétaires du gouvernement vietnamien est
généralement supérieur à certains pays asiatiques à même niveau du
développement, comme le Bangladesh, la Birmanie, ou le Népal. Il est aussi
équivalent à celui de l'Inde et de l'Indonésie. Ces conclusions sont
compatibles à celles de la Banque Mondiale[33].
Ainsi, au niveau de la collection de
l'impôt, les efforts du gouvernement vietnamien sont élevés. Malheureusement,
cette quantité fiscale a été utilisée inefficacement au point de vue économique
comme nous allons l'analyser dans le chapitre II.
Après avoir examiné l'évolution du
prélèvement public du Viêt-nam, nous analyserons dans les sections suivantes
les trois causes principales de cette évolution: les guerres et tensions
militaires, la transition économique vers l'économie de marché et le rôle de
l'inflation et du revenu pétrolier.
[1] Dornbusch R. (1992) "Lessons from Experiences with High
Inflation", The World Bank Economic Review, Vol 6, N°1, p.18
[2] Friedman M. (1968) "Inflation et systèmes monétaires",
Calmann-Lévy, Ed. 1976, p.50
[3] Fischer S. (1989) "The economics of the government budget
contraint", The World Bank, PPR Working Papers, WPS 224, May, p.2
[4] Leiderman L. (1993) "Overview: The main lessons", dans
Leiderman L. Ed. "Inflation and Desinflation - the Israeli
Experience", The University of Chicago Press, Chicago, p.4 et p.9
[5] Chambas G. (1993) "Les incitations fiscales et douanières (du
Vietnam)", dans "Vietnam - Une politique économique pour la
transition vers une économie de marché", sous la direction de Guillaumont
P. et De Melo J., Document au CERDI,
Septembre 1993, p. 92
[6] Guillaumont P. et De Melo (1993, sous la direction), "Vietnam -
Une politique économique pour la transition vers une économie de marché",
Document au CERDI, Septembre, p. 20. On peut trouver cette remarque dans
plusieurs autres travaux internationaux sur l'économie vietnamienne.
[7] Viet V.Q. (1997) "Vietnamese Economy on the Way of
Development", Ho Chi Minh City
Editions and Saigon Economic Time Publication.
[8] Wood A. "Deceleration of inflation with acceleration of price
reforme: vietnam's remarkable recent experience", Cambridge Journal of
Economics, Volume 13, Number 4, December 1989, p 564.
[9] Guillaumont S. (1993) "La Politique Macroéconomique Nécessaire à
l'Ouverture sur l'Extérieur et à la Croissance de l'Economie
Vietnamienne", dans Guillaumont P. et De Melo (1993, sous la direction),
"Vietnam - Une Politique Economique pour la Transition vers une Economie
Ouverte", p.20
[10] Kokko Ari et Zejan M. (1996), "Vietnam towards to next step of
reform", Stockholm Economic University, 9/1996.
[11] Chambas G. (1993), op. cit. p.93.
[12] Guillaumont S. (1993), op. cit. p.20
[13] Naderan E. (1996) "Les facteurs de la mobilisation fiscale en
Iran", Thèse au CERDI, p. 9
[14] Si on détermine le taux fiscale comme la valeur totale du prélèvement
public sur le revenu national productif défini dans la statistique socialiste
(il ne compte pas la contribution du service), ce taux est de 34% en 1976,
36,5% en 1977, 34,9% en 1978, 30,3% en 1979, 26,2% en 1980, 28,4% en 1981,
30,1% en 1982, 32,6% en 1983, 33,9% en 1984, 25,1% en 1985 et 22,1% en 1986,
source: Vietnamese Financial
Economic Data 1976-1986, General Statistical Office, Vietnam.
[15] Haughton J.H. (1995) "Public Finance Policy", chapter 4, in
"On the Direction of Dragons", Harvard Institute for the
International Development (HIID).
[16] Hao V.V. (1993) "Rénovation de la Politique et du Mécanisme de Gestion Financière",
Editions de la Politique Nationale, Hanoi, p.36
[17] Effet de Tanzi, Voir Tanzi V. (1977) "Inflation, Lags in
Collection and the Real value of Tax Revenue", SP IMF, Vol. 24
[18] Fforde Adam et Goldstone A. (1995), "Vietnam to 2005", The
Economist Intelligence Unit, p.32; Fforde A. (1995) "Vietnam: Economic
Commentary and Analysis", N°6, Avril, p.54
[19] World Bank (1991) "Vietnam: Reforms of the National Financial
System et of State Owned Enterprises", Report to Vietnamise Governement,
17 December, 1991; World Bank (1993) "Vietnam : Transition to the
Market", Economic Report at Paris Conference on Aid for Vietnam, November.
[20] Fforde Adam et Goldstone A. (1995), op. cit. p.31
[21] Kornai J. (1980) "The Economics of Shortage", Amsterdam,
North Holland; McKinnon R.I. (1992),"The Order of Economic Libaralization
- Financial Control in the Transition to a Market Economy", Second
Edition, The Johns Hopkins University Press, Baltimore and London
[22] Irvrin G. (1995) "Vietnam: Assessing the Achievements of Doi
Moi", the Journal of Development Studies, Vol. 31, June, London, p. 728
[23] Chambas G. (1993), op. cit. p.95.
[24] Avant 1981, les recettes douanières étaient presque nulles, selon
Vietnamese Financial Economic Data 1976-1986, General Statistical Office,
Vietnam, p. 14
[25] Tim nguon
[26] Chambas G. (1993), op. cit. p.95.
[27] Chambas G. (1993), op. cit. p.96.
[28] World Bank (1990), "Vietnam - Stabilization and Structural
Reforms", Economic Report, N° 8249-VN, World Bank (1991) "Vietnam:
Reforms of the National Financial System et of State Owned Enterprises",
Report to Vietnamese Governement, 17 December, 1991; Brian Van Arkadie (1992)
"Managing the Renewal Process - The cas of Vietnam"; Howell H. Zee (1992) "Vietnam - Limits
of Financial Adjustment Mesures on Economic Reforms", IMF Report (1992)
"Vietnam - Economic Development Tendencies in Recent Period",
[29] Voir au chapitre 3, section 2, les différentes estimations sur le PIB
du Vietnam en USD
[30] Chambas G. (1993), op. cit. p.94. Dans son rapport, il estime que le
PIB par tête du Vietnam devrait 200$US au lieu de 120 $USD selon les chiffres
officielles du gouvernement vietnamien.
[31] Haughton J.H (1995) op. cit. chapter 4.
[32] World Bank (1995) "World Development Report", et "World
Tables". Selon la Banque Mondiale, le Vietnam a un PNB par habitant estimé
en 1993 à 170$US,
[33] World Bank (1992) "Restructuring Public Finance and Public
Enterprises", Economic Report, 15 Avril.
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