Thứ Hai, 19 tháng 12, 2011

Les cours d’économie et de finance ont-ils changé depuis la crise?

UNIVERSITÉ

Les cours d’économie et de finance
ont-ils changé depuis la crise?

17. décembre 2011, 22h37
Anne Gaudard | Le Matin Dimanche


Plus de responsabilisation. Plus d’éthique. Depuis l’explosion de la crise financière, c’est ce qui est demandé aux facultés d’économie afin de mieux sensibiliser les futurs traders et autres managers. HEC Lausanne a d’ailleurs profité de son centenaire en cette année 2011 pour développer ces thèmes. 

«En tant que professeur de finance, je vis un moment extraordinaire.» Michael Rockinger, professeur de finance d’HEC Lausanne, a du coup presque l’impression de s’être ennuyé pendant trente ans. «Tout est remis en cause!» Et de poursuivre que, oui, son enseignement a changé depuis 2008. Il dit reparler des vrais risques. Que ce soit de liquidité ou de contrepartie. Autant de notions tombées en désuétude à la veille de la crise. Et de multiplier les exemples sur ce qui se disait avant et ce qui se dit après, que ce soit sur les produits structurés ou sur les fonds indiciels. Des remarques qui s’étendent à la recherche. «J’aurais fait rire si j’avais dit, en 2007, que je travaillais sur la mesure du risque systémique dans les banques ou que j’étudiais le rôle de ces mêmes banques dans l’économie.»

Après le séisme des subprimes et de la dette doit-on révolutionner ou rénover l’enseignement de l’économie et de la finance? C’est l’interrogation qui taraude Guido Palazzo, professeur en éthique des affaires, au vu du peu de changements intervenus. A ses yeux le capitalisme du XXe siècle est mort et celui du XXIe siècle pas encore inventé. Dans quelle direction aller? s’inquiète-t-il. Il ne peut que constater que les étudiants posent des questions auxquelles «on ne peut plus répondre en sortant nos présentations PowerPoint du passé». Maia Wentland, professeur en systèmes d’information, regrette que «l’éducation soit trop homogénéisée. Il y a trop peu de place pour l’innovation, pour penser autrement».

Solution multidisciplinaire


Alors que des manifestes circulent dans les universités pour que l’enseignement de cette matière devienne plus responsable, la réponse des profs interrogés à Lausanne se décline autour de la multidisciplinarité. «Aborder un discours avec d’autres points de vue pour permettre de déclencher des étincelles, de revenir aux sources.» Car, poursuit Maia Wentland, on dirait que «la spécialisation a rendu le monde idiot». Insérer des cours d’éthique obligatoires dans les programmes n’est pas tout. C’est «l’ensemble du programme qui doit permettre d’enraciner un futur plus responsable», insiste Guido Palazzo.

Dans les couloirs d’HEC Lausanne, l’ambiance n’est pas à la révolution. Les étudiants courent entre les fêtes de fin d’année et la préparation des examens de janvier. Les préoccupations ne touchent pas prioritairement à l’éthique, au management responsable, mais bien à la difficulté croissante de trouver des places de stages rémunérés. Passage toujours plus important dans le cursus universitaire, dans la course à l’emploi. L’emploi, c’est une des motivations des étudiants qui choisissent cette branche. On les caricature en «requins»? Comme bon nombre de ses collègues, Marco Vario avoue pourtant un «vrai intérêt pour l’éco, sinon on ne pourrait pas réussir vu de la concurrence qui existe entre les étudiants». Un papier HEC Lausanne se révèle par ailleurs «être un bon tremplin dans le monde du travail», ajoute Raphaël Gabella, étudiant de 2e année.

Bon nombre d’entre eux n’ont pas connu la période d’avant la crise. N’empêche. Le sujet est bien présent. «Dans plusieurs cours, il en a été fait mention, constate Philippe Kybourg, étudiant qui espère trouver un débouché dans la finance d’entreprise ou le venture capitalisme. Les explications ne mettaient pas en cause le système, mais des mauvaises actions de certains individus ou organisations.» A ses yeux, oui, l’effort de sensibilisation à l’éthique est patent. Mais «aucune remise en question n’est faite en ce qui concerne la finance même». Exemple à l’appui. «En cours de produits dérivés, on ne nous a jamais dit, et probablement car personne ne le sait, quel est le véritable impact de l’usage de tels instruments sur les marchés financiers.» Et de se garder de vouloir diaboliser la finance. Au contraire. C’est à une simplification des systèmes qu’il en appelle.

«La finance a été extrêmement malmenée depuis 2007, regrette son collègue François Buchard. La faute à une poignée de requins obnubilés par l’appât du gain.» Défendre la finance, oui, mais pas à n’importe quel prix. «Elle doit retrouver ses origines, redevenir plus terre à terre, et donc, dans un sens, plus éthique.»

Le message «n’est pas complètement intégré, mais on va dans la bonne direction», résume Raphaël Gabella.

Sensibilisation à tous les étages

«L’éthique et le management responsable sont importants, car personne ne veut revivre 2008», poursuit Christine Wagner, étudiante luxembourgeoise en dernière année de Master. «Ces cours sont indispensables surtout si l’on veut aussi passer son CFA» (chartered financial analyst), sésame pour entrer dans des salles d’analystes des banques. Pour le professeur Yves Pigneur cependant, le but n’est pas tant un enseignement séparé. «Il s’agit de bien former les étudiants à la base, de les sensibiliser en distillant ces principes dans les cours.» De lancer une nouvelle génération de décideurs capables de bousculer les habitudes, les modes de pensée. Voire d’imposer de nouvelles conditions-cadres. D’ailleurs aujourd’hui le troisième cycle a un pas d’avance. «Car davantage sous la pression de la pratique», constate Guido Palazzo.

«Le jour où, comme c’est le cas pour un frigidaire, management responsable, éthique des affaires et responsabilité sociale feront partie du langage courant, alors on aura gagné», conclut Maia Wentland.


Nouvelle plate-forme

Management durable

Elle s’appelle PRIME. Elle incarne ce besoin de décloisonnement de la recherche, de la formation, de l’innovation et de l’enseignement de l’économie et de la finance. Cette nécessité de reprendre contact avec le monde extérieur, avec les autres sciences, a éclaté au grand jour lors de la crise financière. PRIME, c’est une plate-forme mise sur pied par l’Université de Lausanne qui va dans le sens d’un management plus responsable, qui réunira différentes facultés, le monde de l’économie, son homologue de la politique et autres acteurs du quotidien. Son conseil a été nommé cette semaine et elle sera opérationnelle dès que possible, assure le recteur de l’Université de Lausanne, Dominique Arlettaz.

Née dans les murs d’HEC, cette idée est une des réponses concrètes de la faculté aux interrogations qui ont émergé du séisme des subprimes. Une faculté qui a d’ailleurs mis à profit les festivités de son centenaire pour réfléchir et agir en direction d’un management durable, de l’éthique dans les affaires*. Surtout que, relève Maia Wentland, «la réponse universitaire à la crise sociale ambiante est globalement assez faible». Notamment en termes de «force de propositions».

Gestion du risque

Et PRIME n’est pas la seule expression de cette volonté de changement, d’ouverture. On réfléchit beaucoup autour de la gestion du risque par exemple. Ainsi, Lausanne et les Universités de New York et de Nouvelle-Galles du Sud (Australie) ont créé un centre de mesure du risque qui doit notamment publier début 2012 une liste des banques classées selon le risque systémique qu’elles engendrent, rappelle Michael Rockinger. Un sujet d’actualité alors qu’on parle de recapitalisation massive des banques européennes suite aux nouvelles exigences en matière de fonds propres et à leur exposition aux obligations souveraines. D’ailleurs, poursuit Yves Pigneur, qualifiant la démarche de programme global s’étalant sur plusieurs années, d’ici «trois à quatre ans, nous devrions réunir plusieurs facultés autour de l’étude de la gestion du risque».

* «Pour un management durable au XXIe siècle», sous la direction de Guido Palazzo et Maia Wentland, Pearson, 2011.

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